Jusqu’où va l’influence de l’influenceur ?

Les jeunes consommateurs se laissent de plus en plus aiguillonner dans leur comportement d’achat par des influenceurs en ligne. C’est ce qu’a aussi conclu Jeroen Naudts de l’Arteveldehogeschool, sur base d’une propre étude, à l’occasion de MAGnify 2019. Comme l’a démontré  Eva Van Driessche, rédactrice en chef de Flair, les marques magazine ont un rôle important à jouer à ce niveau. Cependant, toutes les parties – les marques, les médias et les influenceurs mêmes – sont toujours assidûment à la recherche de la bonne voie. Trois spécialistes belges offrent leurs conseils.

Ici, vous pouvez aussi visionner la vidéo de la session sofa MAGnify.

La bagatelle de quinze milliards de dollars. Voilà ce qui, selon les prévisions de l’enseigne américaine Business Insider Intelligence, circulera partout dans le monde dans le marketing d’influence d’ici 2022. Une partie de cet argent ira aux Kim Kardashians, Mascha Feoktistovas et Kylie Jenners de ce monde, qui, avec leurs millions, voire dizaines de millions de followers, sont au sommet absolu de l’influence en ligne. Pour pouvoir compter des influenceurs de ce calibre-là, la Belgique est un rien trop petite. Néanmoins, chez nous aussi le marché du marketing d’influence est en plein essor. Ce qui a le don d’attirer bon nombre d’entreprises.

Yasmin Vantuykom« Aujourd’hui, beaucoup de sociétés ayant l’habitude de faire de la publicité par banners et print interposés sont désireuses de tester une campagne d’influence », dit Yasmin Vantuykom d’Efluenz. « Généralement dans une perspective d’inclusion. En combinant les deux canaux, elles touchent en effet un public bien plus large et divers. Bien sûr, les influenceurs eux-mêmes partagent aussi les liens vers les campagnes en print et en ligne, générant des vues et des likes. Avec, à la clé, une fertilisation croisée. »

C’est comme ça que, dans les magazines, on voit de plus en plus souvent apparaître des BV et des influenceurs dans un rôle d’‘ambassadeur de marque’. Ella Leyers montre sa lingerie Prima Donna dans Feeling, Wim Baillieu cuisine dans Libelle Lekker avec des fonds de Lacroix et dans Flair, Julie Van den Steen agrémente les tendances de mode et d’intérieur de ses conseils, en collaboration avec Juttu.

Des vacances dans son jardin

Ludovic Lenaerts « Avec Philips, nous avons par exemple rempli le jardin de Maarten Vancoillie, DJ chez QMusic, de luminaires intelligents », explique Ludovic Lenaerts, Head of Influencer Marketing chez DPG Media. « Maarten s’exprime sur le sujet sur Instagram et dans NINA nous consacrons un bel article natif à la façon dont, cet été, il passe ses vacances dans son jardin et profite de son éclairage. De cette façon, les campagnes peuvent se renforcer mutuellement, les marques exploitent un nouveau public et 1 et 1 commencent à faire 3. »

Bien sûr, chaque influenceur ne convient pas à chaque campagne. Le mot clé par excellence qui revient à chaque fois est ‘authenticité’. Lenaerts : « Les influenceurs qui, une semaine, vantent les mérites d’un produit de la marque X et, la semaine suivante, ceux d’un produit similaire de la marque Y, ça ne m’enthousiasme pas. Il est évident que ça ne fonctionne pas. Les influenceurs ne sont pas des panneaux publicitaires, même si certains se proposent de l’être. La pertinence disparaît et, avec elle, donc aussi l’impact. Quelqu’un comme Vancoillie ne participe que très occasionnellement à ce type de campagnes, ce qui les rend bien plus puissantes et crédibles. En outre, il était déjà fan des lampes Hue. C’est aussi la première question que je pose lorsque nous travaillons avec des influenceurs : connaissez-vous la marque ? Si la réponse est non, pour moi c’est directement terminé. »

L’interprétation créative est cruciale

Zoe van GastelIl n’y pas que l’authenticité qui importe. Il est par ailleurs aussi crucial que le message commercial soit interprété de manière créative, dit Zoë van Gastel de Native Nation, une autre des hôtes ayant animé notre événement Magnify 2019. « Les influenceurs qui, trois fois par semaine, postent un unboxing… les gens en ont marre. Lorsque nous travaillons avec des influenceurs, c’est presque toujours aussi pour faire quelque chose avec la marque en question. Envoyer un produit, comme ça, et espérer qu’il en sortira quelque chose, ça n’est pas une bonne idée. Pour TUI, par exemple, les influenceurs peuvent mettre le cap sur de nouvelles destinations de voyage, mais alors ils doivent aussi vraiment en rendre compte, de préférence de la façon la plus créative qui soit. Ce qu’on fait faire, exactement, dépend de beaucoup de choses. Par exemple, de la plateforme pour laquelle on opère, mais aussi de l’objectif de la campagne : cherche-t-on simplement à construire du brand love ? À donner des informations de fond concernant le produit ou la société ? Á développer la notoriété ? Veut-on organiser un concours ? Ça peut partir dans tous les sens, mais il est important d’en faire une expérience visuelle et créative. »

Mesurer, c’est savoir

Reste évidemment la question à mille euros : ce type de marketing fonctionne-t-il ? « En Belgique, on traite encore trop souvent le marketing d’influence avec condescendance, mais je suis persuadée qu’il s’en dégage une énorme puissance », dit Van Gastel. « Aux Pays-Bas, de plus en plus d’influenceurs passent aussi déjà aux médias classiques, pas seulement les magazines mais aussi des programmes TV. Souvent, ils ont de nombreux followers très fidèles qui les suivent partout ; ce serait idiot de ne pas s’y raccrocher en tant que marque. C’est aussi hautement mesurable. Tous les outils sont là pour mesurer le reach, l’engagement et l’impact des campagnes. C’est même possible en temps réel et les clients en sont demandeurs. »

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Lenaerts aussi croit beaucoup en les influenceurs, même s’il est un rien plus prudent lorsqu’il s’agit de jauger leur impact. « Oui, des paramètres techniques comme l’audience et l’engagement peuvent parfaitement être isolés et intuitivement aussi je suis absolument convaincu de l’utilité du marketing d’influence. Seulement, sommes-nous déjà en mesure aujourd’hui de mesurer leur impact sur la perception de marque ? Non, nous n’en sommes pas capables. Ce sera un de nos prochains challenges. »

Monnaies sonnantes et trébuchantes, s.v.p.

Enfin, qu’est-ce que ça vous coûte d’inviter un influenceur à se mettre à l’œuvre avec votre produit ? Il n’y a pas de réponse toute faite. « Tout compte fait, c’est toujours une façon bon-marché de faire de la publicité », dit Vantuykom. « Tout dépend par exemple de ce que l’on attend de l’influenceur : un clip vidéo d’une minute sera un peu plus cher qu’une seule story sur Instagram. Souvent, les influenceurs sont aussi encore payés en nature. Lorsqu’on parle de cash, il s’agit de quelques centaines, voire plusieurs milliers d’euros. »

« Il est exact que c’est encore abordable, mais on constate que les prix augmentent », dit Van Gastel. « Tout ce petit monde se professionnalise toujours davantage et les bons influenceurs sont aussi plus circonspects dans le choix des marques auxquelles ils s’identifient. Nous-mêmes, nous ne payons jamais les influenceurs en nature, mais tout simplement en argent. Parce que c’est la seule base pour vraiment en arriver à de bons accords et créer des attentes concrètes. »

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